Dans la continuité de la dernière élection présidentielle, les résultats du premier tour des élections législatives du 11 juin dernier, viennent une fois de plus nous rappeler à quel point la Guadeloupe est en crise. Crise à la fois morale, politique, économique, sociale et sans doute plus encore, une crise de sens, tant individuel que collectif.
Et le taux record d’abstention au premier tour des élections législatives – près de 75% des inscrits ne se sont pas déplacés dans les urnes – n’est que le triste symptôme d’une « dépolitisation » et d’une « atomisation » accélérée de la société guadeloupéenne, lourdes de conséquences et source d’inquiétudes pour l’avenir.
Pour éviter que cela ne finisse dans un obscur chaos, et in fine à une guerre de tous contre tous, nous pensons qu’il est l’heure d’une grande bifurcation systémique et d’une remise à plat complète de 70 ans de départementalisation.
Mais dans l’immédiat, l’urgence est de constituer un front commun, éthique et humaniste, face à l’idéologie nauséabonde, haineuse et destructrice de solidarités, portée par le Rassemblement national. D’aucuns avaient pensé que le vote massif en faveur de Marine Le Pen au 2ème tour de l’élection présidentielle n’était qu’un « coup de colère » et qu’un « tout sauf Macron » d’une majorité de nos compatriotes, plutôt qu’un vote d’adhésion aux thèses racistes et d’exclusion de l’Autre véhiculées par l’extrême droite.
Pourtant, le fait que le candidat du RN, Rody Tolassy, soit arrivé en tête lors du 1er tour des élections législatives dans la 3e circonscription, devrait fortement nous alerter. C’est le signe évident et manifeste que certains de nos compatriotes adhèrent désormais aux idées extrêmes de ce parti historiquement raciste et colonialiste.
Nous ne sommes pas dupes. L’entreprise de rénovation de façade engagée par ce parti pour se rendre présentable ne nous trompe guère. Nous disons non ! à la victoire électorale et politique de l’extrême droite en Guadeloupe. Non ! à l’implantation dans notre pays d’une idéologie du rejet de l’étranger.
Nous ne voulons pas nous résoudre à une victoire de l’extrême droite dans la 3e circonscription, ce qui serait totalement inédit dans l’Histoire : un député ultramarin siégeant sur les bancs de l’extrême droite à l’Assemblée nationale !
Sans pour autant donner un blanc-seing au candidat issu du Modem, et bien que nous ne soyons affiliés à aucun parti politique, nous appelons à faire barrage à l’extrême droite le samedi 18 juin 2022 prochain, en votant et en faisant voter pour le candidat républicain Max Mathiasin !
Les signataires du communiqué :
Tony ALBINA, Rita AZAR, Marcel BRIDE, Mirette CALME, Elizabeth CHOMEREAU-LAMOTTE, Michel CORBIN, David DAHOMAY, Jacky DAHOMAY, Patricia DELMAS, Sonia DERIAU-REINE, Michel EYNAUD, Jan-Marc FERLY, Béatrice IBENE, Marilyn LACKMY, Delphine LAURICELLA, Daniel MALYNOVYTCH, Rosan MONZA, Serge NIRELEP, Michel REINETTE, Pierre REINETTE, Jacques PAUL, Christian SAAD, Philippe SADIKALAY, Corinne SAINTE-LUCE, Georges VILA.
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Interrogation perplexe suite au vote du député Max Mathiasin ce 19 décembre 2023, en faveur d’une loi jugée implicitement xénophobe.
Bonsoir Max.
J’avais jusqu’alors une réelle estime pour toi, te sachant (te croyant ?) profondément humaniste…
Nous le pensions sincèrement… De triste mémoire, les membres co-fondateurs du collectif Guadeloupe Ethique et Démocratie (GED), te sachant en difficulté dans la 3e circonscription face à un candidat du Rassemblement national (RN), n’avaient pas hésité dans un communiqué en juin 2022 à appeler à voter pour toi pour faire barrage aux idées nauséabondes du RN (voir le fameux communiqué publié ci-dessus).
Aujourd’hui, je reste sans voix, perplexe, désappointé, inquiet de la nuit la plus sombre qui s’empare peu à peu des esprits que nous pensions pourtant encore lucides. Ainsi donc, te voilà désormais à voter avec et pour les idées du Rassemblement national ?
Car hier soir, les députés ont adopté l’une des lois les plus dures et régressives en termes de droits humains depuis l’avènement de la cinquième République : la désormais tristement célèbre « loi immigration ». Cette loi remet en cause le droit du sol qui est pourtant au fondement même de la conception républicaine de la citoyenneté. Elle durcit fortement les conditions d’obtention du droit d’asile. Elle rend possible la déchéance de nationalité pour les binationaux qui seraient coupables de crimes. Elle dissuade désormais les jeunes étrangers extra-communautaires de venir étudier en France, en particulier les plus défavorisés socialement, en leur imposant une majoration des droits d’inscription ainsi qu’une caution préalable (voir sur ce point le communiqué, poignant et fort symboliquement, de nombre de présidents d’université de France qui dénoncent cette loi mortifère et nauséabonde). Elle crée implicitement une « préférence nationale », chère au RN, en hypothéquant dans le temps la perception des allocations logement et familiales pour les étrangers pourtant en situation régulière, y compris ceux qui travaillent et qui cotisent pourtant au niveau de la CSG.
Hier soir, sur les bancs de l’Assemblée nationale, aucune voix des députés RN n’a manqué pour voter cette loi, les 88 députés du RN se sont tous prononcés en faveur du texte. Désormais, la « lepénisation des esprits » n’est plus une idée farfelue, mais bel et bien une inquiétante et dangereuse réalité.
Marine Le Pen ne s’y trompe pas, en déclarant fièrement « qu’il s’agit d’une grande victoire idéologique du Rassemblement national » !
Car en effet, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une loi aux relents xénophobes, désormais ouvertement assumée par 349 députés !
Il me revient en mémoire cette fameuse citation : « La Révolution a fini par dévorer ses propres enfants »… Eh bien, j’en suis absolument convaincu : Les populismes nationalistes-identitaires, en tout temps et en tout lieu, tels des monstres « agoulous » insatiables d’exclusion de l’Autre et de haine de la différence, finissent toujours par dévorer leurs propres enfants… L’Histoire coloniale de la France, toujours inassumée, et encore pleine de préjugés racistes et xénophobes, est pourtant au cœur des crispations identitaires d’aujourd’hui. Au fond, le vrai sujet que l’on ne souhaite jamais aborder de front, est celui de l’intégration républicaine, à l’aune de cette histoire coloniale…
Fanon disait, « quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous » … N’entends-tu donc pas, en filigrane, Max, que c’est de nous dont on parle, au travers de cette loi xénophobe ? Je veux dire des citoyens « entièrement à part » issus des anciennes colonies ?
Alors, j’ai la faiblesse de penser que ton vote est tout simplement une erreur de frappe : Le vote a eu lieu tard dans la nuit, les débats ont été longs, l’erreur est humaine…Entre le bouton vert (« Oui ») et bouton rouge (« Non »), on peut commettre une erreur malheureuse… Car, j’ai la naïveté de croire que cela ne peut être par pur cynisme et intérêt personnel immédiat, et encore moins par conviction (revirement ?) idéologique…
Cordialement.
David Dahomay, membre co-fondateur du collectif GED.
PS : Quant au député Olivier Serva, il me semble tout à fait saugrenu de s’attarder une seule seconde sur les raisons de son vote, tant ce type est d’une affligeante et déconcertante versatilité politique…
Le 20 décembre 2023.
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